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CHRONIQUES ET RESSOURCES





Mentor recherché pour conseil d'administration peu expérimenté !

Par Nathalie Lafranchise, Ph.D. professeure,
Kelly Cadec, étudiante à la maîtrise en communication,
Département de communication sociale et publique, Université du Québec à Montréal
 
La constitution d'un conseil d'administration peut constituer une pierre d’achoppement importante pour les OBNL, particulièrement lorsque les personnes volontaires ont peu d’expérience ou ne possèdent pas les attributs recherchés. Comment s’y prendre alors pour développer des compétences et un réseau dont une OBNL a besoin pour exercer ses activités efficacement? Le mentorat pourrait alors s’avérer une piste de solution pertinente.
 
1. Constituer un conseil d’administration: un défi de taille! 
 
Les organismes à but non lucratif (OBNL) sont importants dans notre société. Leur contribution sociale est considérable. Leur contribution économique l’est également. En effet, en 2012, ce secteur comptait 165 000 organismes au Canada, employait 2 millions de personnes, et représentait 106 milliards de dollars, ou 7,1 % du PIB (Imagine Canada, 2012). 
 
Or ces organismes rencontrent des défis multiples qui fragilisent leur pérennité. De nombreux dirigeants d’OBNL expriment leur crainte face à l’avenir de leurs organismes (Imagine Canada, 2012). Dans les faits, plusieurs organismes s’éteignent faute de ressources. Dans certains cas, l’administration peut être en cause (Direction des organismes de bienfaisance, hiver 2008). La formation d'un conseil d'administration peut parfois constituer une pierre d’achoppement pour une OBNL. 
 
Selon un texte publié en 2007 par l’École Nationale d'Administration publique, un conseil d’administration devrait être constitué de personnes aux attributs diversifiés et complémentaires correspondant aux besoins et responsabilités de l’organisme. Les personnes détenant une formation académique telle que « l’administration, la finance, la comptabilité, la fiscalité, les relations de travail, le droit, le génie, la gestion des ressources humaines » seraient avant tout recherchées (École Nationale d'Administration publique, 2007, p.28). Des expériences professionnelles pertinentes de gestion ou relativement au secteur ou au domaine d’activité de l’organisme sont aussi un atout (École Nationale d'Administration publique, 2007). Différents documents consultés  présentent des attributs et compétences que devrait posséder, idéalement, les personnes constituant un conseil d’administration : des habiletés relationnelles et communicationnelles (esprit d’équipe, solidarité, expression de son opinion de manière constructive, écoute active, savoir questionner, ouverture d’esprit), des capacités réflexive et analytique (jugement, sagesse, recul, évaluation, synthèse), de la flexibilité, de la fiabilité, de l’intégrité, de la loyauté, une posture d’apprenant (goût d’apprendre, curiosité), le sens « des affaires », un sens de l’éthique, le goût de partager son savoir et son expérience, la crédibilité (au regard du domaine spécifique). Enfin, avoir un réseau professionnel serait un aspect important à considérer dans le choix des administrateurs. L’importance du réseau serait attribuable au fait que « l’un des principaux rôles souvent reconnu aux membres du conseil d’administration (CA) est celui de permettre [à l’organisation] d’acquérir des ressources venant des organisations externes […] » (Dicko et Breton, 2011, p.2). Les administrateurs sont alors vus comme « un moyen pour [l’organisation] d’acquérir des ressources nécessaires à son succès [et peut-être particulièrement] lorsqu’elle fait face à des difficultés dues au manque de ressources clés […] » (Dicko et Breton, 2011, p.2). 
 
Or, que se passe-t-il lorsque les personnes constituant un conseil d’administration ont peu d’expérience ou ne possèdent pas les attributs recherchés? Comment pourraient-ils s’y prendre pour développer des compétences et un réseau dont une OBNL a besoin pour exercer ses activités efficacement? Le mentorat s’avère alors une solution à envisager.  
 
2. Qu’est-ce que le mentorat ?
 
Le mot mentorat provient du mot mentor qui, à l’origine, était un nom propre dans la mythologie grecque. En effet, Mentor était le meilleur ami d’Ulysse. Lorsque ce dernier dû partir en guerre, il mandata son ami Mentor d’agir à titre d’éducateur, de guide, de modèle auprès de son fils Télémaque, pendant son absence. (Houde, 2010 ; Ragins et Kram, 2007). Le mentorat est une relation d’accompagnement dans laquelle une personne d’expérience (le mentor) investit son savoir, savoir-faire et savoir être auprès d’une personne moins expérimentée (le mentoré) en vue de soutenir ses apprentissage et l’aider à se développer (Cuerrier, 2003 ; Houde, 2010 ; Kram, 1983, 1985; Lafranchise, 2000, 2005, 2006; Ragins et Kram, 2007). Le mentorat peut également se réaliser dans une formule de groupe où un ou plusieurs mentors peuvent accompagner un groupe de mentorés (Peoples, 2004; Ritchie et Genoni, 2002). 
 
Ce mode d’accompagnement se veut un espace propice aux apprentissages. Il faciliterait l’adaptation à un changement, à une nouveauté ou à un nouveau rôle et contribuerait, entre autres choses, à l’élargissement d’un réseau professionnel (Houde, 2010; Lankau et Scandura, 2007). De plus, des bénéfices sont également notables chez les mentors (Allen, Poteet et Burroughs, 1997 ; Kram, 1985 ; Mullen et Noe, 1999 ; Ragins et Scandura, 1999). En effet, le mentorat revitaliserait en quelque sorte leur carrière et procurerait reconnaissance, sentiment d’accomplissement et satisfaction. 
 
Dans un contexte de gouvernance des OBNL, il pourrait être souhaitable de proposer un mentor un nouveau conseil d’administration lorsque ses membres sont composés de personnes ayant peu d’expérience. Au contact d’un administrateur chevronné, les administrateurs novices pourraient développer leurs compétences et élargir leurs réseaux professionnels.  
 
3. Un besoin de mentorat exprimé par des administrateurs
 
À l’occasion d’un déjeuner conférence organisé le 13 mars 2012, en partenariat par l’organisme Philanthropie Québec et l’organisme Mentorat Québec, et s’adressant à des administrateurs d’OBNL, une activité interactive-réflexive fut animé madame Nathalie Lafranchise, Ph.D., professeure au département de communication sociale et publique de l’Université du Québec à Montréal. Les visées de cette activité étaient de 1) consolider les pratiques de bonne gouvernance, 2) co-construire une vision partagée de la gouvernance et 3) faire émerger des pistes d’action ou de solutions fécondes en lien avec la thématique de la gouvernance des organisations. Parmi les pistes ayant émergé au cours de cette activité, des pratiques qui interpellent les principes du mentorat ont été énoncées. 
 
En effet, les personnes participantes ont exprimé le besoin d’établir des collaborations inter-organisationnelles qui s’apparentent aux principes du mentorat . Selon leurs points de vue, cette forme de soutien permettrait à de nouveaux conseils d’administration de bénéficier de l’expérience d’administrateurs chevronnés. Le mentorat pourrait être formel ou informel. Un mentorat formel pourrait être envisagé, par exemple, si un organisme déciderait de mettre en place un projet spécifique de jumelage s’inspirant des principes du mentorat, en vue de soutenir les nouveaux conseils d’administrations. Il est aussi possible de penser l’établissement spontané de collaborations inter-organisations, de manière informelle, dans la mesure où des espaces de rencontre et des occasions de réseautages permettent à des membres de conseils d’administration moins expérimentés de rencontrer d’autres membres de conseil d’administration plus expérimentés. Ce maillage entre des administrateurs de différents organismes pourrait mener vers l’établissement de collaborations informelles et résulter en des accompagnements ponctuels (actions parsemées, réseautage qui permet « de ne pas rester dans son coin », partage de listes d’associations, d’organisations et services, aide ponctuelle à l’accomplissement d’une tâche ou d’une amélioration bien précise [informatique, gestion, etc.) ou de plus longue durée, se rapprochant ainsi des principes du mentorat. 
 
4. Conclusion
 
En somme, le mentorat nous apparaît une piste intéressante à considérer en vue de soutenir un conseil d’administration composé de personnes volontaires qui ont peu d’expérience. Au contact  d’un administrateur d’expérience, à travers son soutien, ses conseils, sa guidance, le partage de son réseau et de son savoir, savoir-faire et savoir être, un conseil d’administration novice pourrait faire des apprentissages, développer des compétences et un réseau qui l’aideront à mieux faire face aux différents défis de gouvernance et à assurer la pérennité de l’organisme.
 
5. Bibliographie
 
Allen, T.D., M.L. Poteet et S.M. Burroughs (1997). «The mentor's perspective: A qualitative inquiry and future research agenda», Journal of Vocational Behavior, 51, p.70-89.
 
Cuerrier, C. (2003). Le mentorat et le monde du travail au Canada : recueil des meilleures pratiques, Québec, Les Éditions de la Fondation de l’entrepreneurship, coll. « Mentorat ».
 
Houde, R. (2010). Des mentors pour la relève. Édition revue et augmentée, Québec, PUQ.
 
Kram, K. (1985). Mentoring at Work: Developmental Relationships in Organizational life, Glenview, III., Scott Foresman.
(1) École polytechnique, Socan, AQESSS et École Nationale d'Administration publique. 
(2) Pour en savoir davantage sur le mentorat www.mentoratquebec.org 
 
Publication octobre 2013