Par
Jacques Lavigne, B.A., candidat à la maîtrise en communication
Finissant du programme court de 2e cycle en mentorat, Faculté de communication
Université du Québec à Montréal
Nathalie Lafranchise, Ph.D., professeure
Responsable, Programme court de 2e cycle en mentorat
Département de communication sociale et publique
Université du Québec à Montréal
Au Québec, plusieurs organismes communautaires et associations se préoccupent de l’intégration socioprofessionnelle des personnes immigrantes. Ces organismes et regroupements déploient beaucoup d’effort et utilisent diverses stratégies afin d’accomplir leur mission. Le mentorat fait partie des stratégies de plus en plus proposées. Cet article explore le mentorat comme stratégie à l’intérieur d’un programme formel visant l’intégration socioprofessionnelle des personnes immigrantes.
Recruter un nouvel employé peut s’avérer difficile1. Le vieillissement de la population et les départs massifs à la retraite auxquels nous faisons face actuellement sont des facteurs qui contribuent au problème de pénurie de main-œuvre2. Cette problématique mène même certains employeurs à se tourner vers de la main-d'œuvre à l’extérieur du pays. Ce genre de démarche implique des coûts financiers importants. Certaines entreprises avec l’aide du gouvernement du Québec feront même des déplacements à l’étranger pour dénicher « les perles rares »3.
Qu’il s’agisse de personnes nouvellement arrivées au Québec ou de personnes recrutées à l’étranger, dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, il importe, une fois ces perles rares dénichées, d’assurer leur maintien en emploi. En effet, le maintien en emploi est un enjeu bien réel en ce contexte d’instabilité. De plus, les possibilités professionnelles et la mobilité rendent parfois difficile la rétention d’employés à haut potentiel. Il devient alors difficile de s’appuyer sur une base d’employés fidèles et productifs. Cette réalité engendre souvent un roulement de personnel qui oblige alors les employeurs de constamment déployer argent et énergie pour rechercher de nouveaux employés. Le milieu communautaire n’y échappe pas. D’où l’importance de la qualité de l’accueil et de l’intégration des nouveaux employés.
Transition, adaptation et maintien
Dans le cas des nouvelles personnes arrivantes, en plus de vivre la transition professionnelle habituelle que provoque le fait d’avoir un nouvel emploi, celles-ci doivent s’adapter aux codes et aux exigences implicites du monde du travail québécois. Il importe de s’en préoccuper afin de les aider à mieux les comprendre et ainsi augmenter leurs chances de se maintenir en emploi. Un accompagnement personnalisé, comme le propose le mentorat, peut être nécessaire et s’avérer une stratégie efficace en vue de favoriser la réussite de l’intégration professionnelle d’un nouvel employé immigrant4-5. Le mentorat peut s’avérer un moyen efficace pour mieux les préparer à la réalité du monde du travail ici et ainsi faciliter leur adaptation et leur maintien en emploi par une meilleure compréhension des codes et des exigences implicites.
L’accompagnement mentoral propose le jumelage entre un employé plus expérimenté, qui offre un soutien personnalisé et un nouvel employé afin de l’accueillir, favoriser son intégration socioprofessionnelle ainsi que son développement professionnel dans l’organisation. Le mentor est un passeur qui accompagne le mentoré dans sa transition6. Des programmes de mentorat sont mis en place dans diverses organisations en vue de faire face à de multiples enjeux, dont l’insertion et l’intégration socioprofessionnelle des personnes immigrantes.
Toutefois, il importe de rappeler que pour qu’un programme de mentorat atteigne les objectifs désirés, il doit offrir les conditions suivantes :
1) être supporté par la haute direction de l’organisation;
2) s’assurer que la participation des mentorés et des mentors soit volontaire;
3) tenir compte des attentes et des besoins réels et actuels des mentorés dans l’élaboration du programme (profil des mentors recherchés, formation des mentors et des mentorés, modalité de jumelage, etc.);
4) offrir les conditions et les ressources appropriées et suffisantes pour la coordination du programme et l’accompagnement des dyades de mentorat;
5) permettre aux mentors et aux mentorés de se choisir mutuellement en tenant compte des affinités et des besoins des mentorés;
6) déterminer une durée minimale du jumelage (6 mois et plus) avec une fréquence adéquate des rencontres (au moins 1 fois par mois);
7) soutenir les mentors et les mentorés dans l’établissement d’objectifs réalistes à atteindre;
8) avoir un code d’éthique qui encadre la relation entre les mentors et les mentorés afin d’éviter les dérapages;
9) permettre aux mentors et aux mentorés de se rencontrer, au besoin, sur les heures de travail;
10) effectuer des suivis auprès des dyades et les accompagner dans le développement de la relation (offrir des outils en soutien), au besoin;
11) évaluer le programme (avons-nous atteint les objectifs? Les mentors et les mentorés sont-ils satisfaits de leur expérience de mentorat et du fonctionnement du programme? Etc.).
Enfin, nous croyons qu’un programme de mentorat est une stratégie d’accompagnement efficace, qui aiderait grandement les organismes communautaires dans leur mission d’accueillir et de faciliter l’insertion et l’intégration des personnes immigrantes récemment arrivées au Québec. Un programme de mentorat peut avoir comme objectif d’aider le nouvel employé (immigrant ou québécois) à bien s’intégrer dans son emploi mais peut aussi aider les organismes communautaires à réussir à s’adapter aux changements administratifs dans un contexte économique de plus en plus difficile pour eux.
Publication décembre 2014